Banc d’Arguin : le souffle du large caresse ici le sable depuis des millénaires. En 2023, plus de 425 000 visiteurs ont embarqué pour ce banc de sable mobile, soit +12 % par rapport à 2022. Pourtant, l’île éphémère avance lentement, glissant de 1 à 3 m par an vers le nord. Entre chiffres et embruns, découvrons ce joyau mouvant du Bassin d’Arcachon.

Banc d’Arguin, joyau mouvant du Bassin d’Arcachon

Créé en 1972 et classé réserve nationale en 1988, le Banc d’Arguin occupe entre 2 600 ha (pleine mer) et 4 500 ha (basse mer). Sa position, en embouchure, face à la Dune du Pilat et au Cap Ferret, le place sous l’influence directe de l’océan Atlantique. Selon l’Office français de la biodiversité (OFB), le site accueille chaque année :

  • 30 000 à 50 000 limicoles hivernants
  • 7 espèces de sternes nicheuses, dont la sterne caugek (nicheur prioritaire depuis 2019)
  • 220 ha d’herbiers de zostères, véritables nurseries naturelles

Ces données actualisées en avril 2024 confirment le rôle clé du Banc d’Arguin pour la conservation du littoral aquitain.

Une géologie en mouvement permanent

Les ingénieurs du Parc naturel marin du bassin d’Arcachon mesurent trimestriellement l’évolution morphologique : la langue sud s’érode, tandis que la langue nord s’allonge. En 2010 déjà, l’Ifremer soulignait une migration globale de 450 m sur dix ans. Ce déplacement influe sur la houle et modifie la dynamique sédimentaire de la passe Sud, un sujet suivi de près par le Service hydrographique et océanographique de la Marine (Shom).

Pourquoi le Banc d’Arguin fascine-t-il les naturalistes ?

D’un côté, l’endroit attire artistes, photographes et promeneurs en quête de silence. De l’autre, il concentre des enjeux scientifiques : bilan carbone, chaîne alimentaire, corridor pour les mammifères marins. Le biologiste Pierre Dalhoumède rappelait dans « Estuaire & Littoral » (2023) que les herbiers de zostères stockent jusqu’à 83 g de carbone par m² chaque année, soit une précieuse contribution contre le réchauffement.

Un havre pour les oiseaux migrateurs

Le Banc d’Arguin forme l’un des plus grands dortoirs de sternes d’Europe occidentale. En juillet 2023, les bagueurs bénévoles de la LPO y ont recensé :

  • 3 712 couples de sternes pierregarins
  • 1 095 couples de sternes naines
  • 624 couples de pluviers grands-gravelots

Ces chiffres, en hausse de 8 % sur un an, témoignent d’une reprise encourageante après la vague d’influenza aviaire de 2021.

Un laboratoire grandeur nature

La salinité moyenne oscille entre 29 ‰ et 35 ‰ selon les marées, créant un gradient propice aux études. Les universités de Bordeaux et La Rochelle y testent depuis 2022 des capteurs biosourcés pour suivre le pH et l’oxygène dissous. L’objectif : comprendre l’impact de l’acidification des océans sur les bivalves indigènes, tels que la palourde japonaise.

Comment visiter le Banc d’Arguin sans l’abîmer ?

Accès et réglementation actualisée

Depuis l’arrêté préfectoral du 16 mai 2024, la capacité d’accueil journalière est limitée à 1 870 personnes simultanées. Les navettes partent d’Arcachon, du Moulleau et de la jetée Bélisaire ; la traversée dure 20 à 30 minutes. À votre arrivée, un balisage strict sépare :

  • La zone nord (reposoirs ornithologiques), interdite toute l’année
  • La zone centrale, accessible à pied à marée basse
  • La zone sud, autorisée à la plaisance diurne, ancre obligatoire dans le sable hors herbiers

Le non-respect peut valoir 135 € d’amende par l’ONF, délégataire depuis 2020 du suivi des gardes.

Gestes écoresponsables

Quatre règles essentielles :

  1. Garder 100 m de distance des oiseaux nichant au sol
  2. Emporter ses déchets (zéro poubelle sur place)
  3. Ne pas prélever de coquillages vivants
  4. Limiter au strict minimum la diffusion de sons amplifiés

La charte « Arguin Respect » lancée en 2023 a déjà été signée par 85 % des bateliers locaux, preuve d’un engagement collectif.

FAQ – vos questions essentielles

Qu’est-ce que la passe Sud ?
C’est le chenal principal qui sépare le Banc d’Arguin de la Dune du Pilat. Sa profondeur varie de 5 m à plus de 15 m selon la marée et conditionne la navigation commerciale (28 % des entrées du port d’Arcachon en 2023).

Pourquoi les sternes choisissent-elles Arguin ?
Le banc, isolé des prédateurs terrestres, offre un substrat sablo-vaseux idéal pour nicher, à moins de 2 km des zones de pêche.

Comment s’y rendre en kayak ?
Il est recommandé de partir deux heures avant la marée basse, via la passe Nord, et de prévoir un gilet 50 N homologué. Les vents d’ouest peuvent atteindre 30 nœuds l’été.

Entre légendes et réalité, ce que révèle le sable

Bernard Palissy rêvait déjà d’îles mouvantes lorsqu’il observait, au XVIᵉ siècle, les « bancs de gasconie ». Aujourd’hui, les conteurs de La Teste-de-Buch évoquent le fantôme d’un navire hollandais échoué en 1790, dont le mât réapparaîtrait certaines nuits de tempête. Mythe ou vérité ? Ce récit illustre la relation intime entre habitants et banc de sable changeant.

D’un côté, Thalassa consacre en 2024 un reportage célébrant l’« île aux oiseaux sans arbres ». De l’autre, le Conseil régional Nouvelle-Aquitaine finance 1,2 M € sur trois ans pour renforcer la surveillance aérienne par drone, tant la pression touristique s’accroît (+42 % de bateaux de plaisance enregistrés entre 2019 et 2023).

Le paradoxe d’Arguin

Plus on parle de sa beauté, plus afflue la foule. Plus la foule grandit, plus le site se fragilise. À chacun d’ajuster sa voile : apprécier sans posséder, contempler sans prélever.

Ressentir le Banc d’Arguin au rythme des marées

Je revois encore cette aube de septembre : le vent portait une odeur d’algues fraîches, les sternes criaient comme des enfants pressés. Assis sur le sable encore tiède, j’ai compté les éclats de lumière sur la passe, peut-être cent, peut-être mille. À cet instant, j’ai compris que la véritable richesse d’Arguin réside dans sa capacité à nous rappeler notre place, minuscule et pourtant précieuse, dans la grande symphonie marine. Si, comme moi, vous cherchez d’autres rencontres authentiques — de l’ostréiculture à Gujan-Mestras aux sentiers discrets de la réserve des Prés Salés — laissez votre curiosité voguer ; le Bassin n’a pas fini de livrer ses secrets.